Témoignage d'une collègue qui a vécu 15 ans dans "les pays Nordiques", titulaire d'un diplôme suédois (non reconnu en France) et qui a enseigné 8 ans en Suède, en maternelle.
La Suède ne semble pas être le pays aussi « merveilleux » que l’on s’imagine… et le système éducatif n’est pas forcément « le » modèle…
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
La première chose qu’il faut savoir et à laquelle il faut s’adapter c’est que nous avons une obligation d’enseigner 4 heures par jour dehors, quelle que soit la météo.
C’est parfois difficile, mais c’est très intéressant car on aborde les apprentissages autrement, on ne peut pas se déplacer avec beaucoup de matériel.
On doit donc créer de toutes pièces un matériel très varié, adapté pour le graphisme, les maths… utilisable sous -8 degrés !
Ce qui est très intéressant, c’est la grande facilité que les classes ont pour faire chaque semaine des excursions pédagogiques en forêt et des sorties culturelles.
Le curriculum en Suède est très complet et intéressant. Une place est donnée à l’apprentissage de l’écologie de façon positive pour encourager les enfants à trouver des solutions et prendre soin du monde qui les entoure. Il y a aussi une vraie réflexion sur les enfants multiculturels.
Lorsque cela est possible les enfants font la sieste dehors , les enfants sont très peu malades.
J’ai aussi été impressionnée par la place importante du digital dans les programmes, dès la maternelle.
On peut travailler sur les dangers ou la fiabilité des sources sur internet dès la Moyenne section.
Les PE sont encouragés à travailler la programmation dès la Maternelle.
Comment fonctionne l’école en Suède ?
En Suède les enfants sont accueillis 5j/7 et de 6 h le matin (le petit déjeuner est servi) à 19 h. Les enseignant.es doivent être présent.es (par roulement), cela fait partie du service.
L’enseignement a lieu de 9 h à 16 h environ, du lundi au vendredi.
Les classes accueillent généralement 20 à 26 élèves selon les communes. Les enfants et les enseignant.es sont épuisé.es.
Il y a aussi un problème d’attractivité, de recrutement des ATSEM et des enseignant.es.
Peu de personnes veulent s’engager dans ce travail car à l’université, les années de formation des professeurs sont extrêmement exigeantes et les métiers d’ATSEM mal rémunérés.
Et comment as-tu été recrutée ?
C’est la commune qui m’a recrutée. Exactement comme dans le privé, tu réponds à des annonces de postes et en entretien, il faut se vendre et négocier directement son salaire.
Tu présentes tes objectifs par rapport au programme et suivant des grilles d’évaluations prédéfinies (il ne faut pas les mettre trop bas et en même temps il faut qu’ils soient atteignables).
C’est ensuite la directrice qui évalue tous les employés.
Les inspecteurs font partie d’un organisme indépendant, Skolinspektion.
Les conseillers pédagogiques sont rattachés à la commune et ont des écoles définies. Ils peuvent avoir un double poste de directeur assistant d’un groupe d’écoles et CPC.
Comment sont les enfants ?
Les pays scandinaves ont beaucoup « lâché » sur l’éducation.
Les pédopsychiatres qui préconisent de ne jamais contraindre l’enfant, de lui donner une place centrale dans la famille et de ne jamais se fâcher ont influencé les familles en ce sens.
Le plus connu de ces psychologues est Bo Heljskov Elvén. Ses théories, ses conférences et ses livres ont une place énorme dans la formation des professeurs dans toute la Suède, du 1er cycle au Lycée. Il a réussi à imposer un modèle interdisant les sanctions et où le professeur doit sans cesse répondre aux comportements même violents des enfants par le dialogue et la douceur. Bien entendu sur le terrain, ces théories sont désastreuses car elles culpabilisent les enseignants, pénalisent les enfants qui s’efforcent d’être élèves et créent le chaos en classe.
Et ta vie en Suède, que peux-tu nous dire ?
Si nous sommes bien payé.es (environ 3000€/mois), le niveau de vie est aussi très cher. Je payais 1200€ de loyer par mois pour un 27 m2.
Sortir boire un verre ou manger au restaurant est aussi hors de prix. La plupart des suédois vivent avec des crédits à la consommation.
Contrairement à la Finlande où il y a zéro immigration, la Suède a ouvert les frontières mais n’arrive pas à gérer, ce qui a créé des ghettos et beaucoup de racisme.
J’ai eu des réflexions désagréables de la part de l’administration norvégienne lors de mes démarches à l’arrivée. En Norvège et en Suède, nous les français nous sommes des immigrés comme les autres, juste un peu plus hauts dans la hiérarchie des immigrés. Cela ne peut se sentir qu’en parlant leur langue, en travaillant avec eux et en y vivant longtemps…
Le plus difficile à vivre est l’obscurité et le froid, mais aussi le fait que nous sommes si différents culturellement.
On pense être proches des scandinaves dans nos mentalités et nos façons de vivre, mais sur le terrain dans nos façons de voir la vie on est tellement plus proches des syriens ou des somaliens…
Ce qui est surprenant quand tu arrives, c’est que dès l’adolescence les femmes et les hommes font très peu de sorties en commun le soir. Il a fallu que j’insiste auprès de mes collègues pour qu’elles viennent dîner à la maison un soir… et avec leurs conjoints, elles ne comprenaient pas pourquoi…
Nous avons passé une très belle soirée conviviale, mais nous n’avons jamais recommencé.
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