L’éducation un domaine qui doit être partagé et non réservé

Alors que le président affirme que l’éducation fait partie du domaine réservé, le Sgen-CFDT réaffirme que c’est un domaine qui doit être partagé avec toutes ses parties prenantes.

Une fois de plus, à quelques jours d’une échéance importante pour les personnels de l’éducation, pour les élèves, pour les familles, le président de la République annonce dans une interview des décisions ou volontés à la fois précises et floues, qui ne sont le fruit d’aucune concertation avec les partenaires.
Cela agace voire énerve et insécurise celles et ceux qui font l’École au quotidien.

Alors que le président affirme que l’éducation fait partie du domaine réservé, le Sgen-CFDT réaffirme que c’est un domaine qui doit être partagé avec toutes ses parties prenantes. Réformer le système éducatif sur la base d’un discours public sans prendre en compte ni l’analyse des experts, ni celles des personnels est une démarche vouée à l’échec.

Pour le Sgen-CFDT, sur le fond, les annonces présidentielles sont hors-sol, loin de ce qui devrait être au cœur du travail pour l’École et avec les personnels, les parents d’élèves et les élèves.

Redonner sa place à la pédagogie

Quand le président de la République annonce vouloir faire rentrer dès le 20 août les élèves qui auraient besoin de rattrapage en fonction des résultats à des évaluations, on aimerait bien comprendre l’objectif.

S’agit-il de résorber les difficultés scolaires ? C’est un objectif louable et recherché par tous les acteurs de l’éducation. Reste que tout ne se joue pas en 10 ou 15 jours alors que l’année scolaire fait 36 semaines, et que les difficultés scolaires, l’apprentissage ne sont pas une mécanique uniforme et simple. Enseigner, éduquer ce n’est pas appliquer des recettes.

Ce dont ont besoin les enseignant.e.s, c’est que l’on restaure leur capacité à ajuster leurs pratiques pédagogiques aux besoins des élèves…

Dans la même interview le président reprend la détestable rengaine de la critique d’un soi-disant pédagogisme. Pourtant, ce dont ont besoin les enseignant.e.s pour accompagner les élèves dans leurs apprentissages et surmonter leurs difficultés, c’est que l’on restaure leur capacité à ajuster leurs pratiques pédagogiques aux besoins des élèves au cœur de leur enseignement, au cœur de chaque heure de classe, et dans les dispositifs au long cours de soutien scolaire, d’aide aux élèves rencontrant le plus de difficultés. Or depuis 2017, à force de vouloir muscler les programmes on les a surchargés, à force de vouloir corseter les pratiques enseignantes on a minuté le temps de classe à coup de circulaires. On a ainsi réduit la capacité des enseignant.e.s à mettre en jeu leur expertise professionnelle clé : la pédagogie. Ajouter une à deux semaines sur ce modèle n’est pas une solution et pourrait être vécu comme stigmatisant par les élèves et familles concernées alors que les autres conservent leur droit aux vacances. Rappelons par ailleurs qu’il existe déjà la possibilité d’organiser des stages de remise à niveau. Où en est-on de ces dispositifs ? En a-t-on évalué l’efficacité pour les élèves ? A-t-on analysé le fait que de moins en moins d’enseignant.e.s sont volontaires pour y participer à cause de l’épuisement professionnel croissant et dûment constaté par les services du ministère et la Cour des comptes ?

Ne pas ignorer les projets éducatifs locaux

S’agit-il de limiter le désœuvrement d’enfants qui ne partent pas en vacances (rappelons que plus d’un français sur quatre ne part pas en vacances) ? Dans ce cas, le lien avec la difficulté scolaire serait particulièrement stigmatisant. S’il s’agit de cette question, il faut se rappeler qu’il existe le dispositif École ouverte dans les quartiers prioritaires politiques de la ville, des projets dans le cadre des Cités éducatives, et des projets éducatifs de territoires y compris hors périmètre de la politique de la ville qui permettent d’organiser l’encadrement éducatif des enfants et des jeunes sur les temps de vacances. On reste alors bien dans le cadre des vacances, avec l’ambition d’offrir aux enfants et aux jeunes des activités ludiques, sportives, culturelles qui les élèvent, les émancipent, peuvent renforcer, construire autrement des connaissances, des compétences qui seront aussi utiles une fois transférées dans le cadre scolaire. Cela est alors fait en articulant différents acteurs éducatifs, en s’appuyant sur la dynamique de l’éducation populaire. Mais dans ce cas, pourquoi parler de faire rentrer une partie des élèves, identifiés par leurs résultats scolaires, sous entendu en imposant une obligation (et comment ?) ?

Quelle que soit l’option, quels sont les moyens que l’État est prêt à déléguer pour renforcer l’offre éducative ? S’il s’agit uniquement de tirer sur la corde, c’est non.

Aborder vraiment la question des rythmes scolaires

S’agit-il de revoir les rythmes scolaires ? Le président évoque ce retour d’élèves dès le 20 août alors qu’il vient de parler des rythmes scolaires sous l’angle de vacances qui seraient trop longues et de journées trop chargées. Toute la dynamique du premier quinquennat en matière éducative a contribué à alourdir encore les journées de classe : resserrement de la semaine sur 4 jours dans le premier degré, programmes alourdis à tous les étages et encore cette année en transférant en CM2 le programme de technologie qui ne sera plus enseigné en 6ème, et peut-être encore dans cette interview avec l’étude d’un texte par semaine dans chaque classe sur les valeurs de la République (en plus du reste?). Un peu de sérieux serait utile sur le volet des rythmes scolaires et des rythmes d’apprentissage. Du sérieux mais aussi du débat pour prendre en compte les apports de la recherche sur le sujet (aussi bien sur les rythmes des enfants que sur l’épuisement des professionnels de l’éducation), pour y travailler avec les parties prenantes.

C’est somme toute lassant de rappeler une nouvelle fois que la question des rythmes scolaires est un objet de travail des acteurs éducatifs dans le cadre du Conseil supérieur de l’Éducation. Lassant de rappeler que le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse a fait régulièrement des propositions sur l’articulation des temps éducatifs pour les enfants et les jeunes. Par ailleurs, avant et après les émeutes de cet été, de nombreux maires, de nombreux animateurs et éducateurs œuvrant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ont aussi fait des propositions en ce sens. Des acteurs syndicaux, associatifs, municipaux ont construit un manifeste pour une ambition éducative partagée. Aucune réponse n’a été apportée à ces interpellations, y compris depuis les émeutes. Le président semblait regretter dans la même interview l’affaiblissement des structures intermédiaires de la société, il y participe de fait en témoignant une fois de plus d’une pratique verticale et exclusive du pouvoir.

Se tourner vers l’Avenir, pas vers un Passé mythifié

Pour le Sgen-CFDT, les poncifs sur l’autorité et le roman national qui amènent à vouloir revoir les programmes d’histoire et semblent orienter le passage de l’enseignement moral et civique à l’instruction civique ne peuvent pas être la boussole de l’Éducation nationale. D’autant que le président semble avoir une image de l’enseignement de l’histoire, et de l’enseignement moral et civique bien éloignée de la réalité des écoles, collèges et lycées.

Ses propos sur l’orientation inquiètent tant ils véhiculent non seulement une vision surannée d’une certaine hiérarchie des voies d’enseignement, mais aussi une forme d’adéquationnisme décalé par rapport aux profondes transformations économiques, numériques et écologiques dont il parle pourtant par ailleurs. Pour le Sgen-CFDT, oui la formation initiale dans son ensemble doit contribuer à la formation civique et citoyenne, à la formation de l’esprit critique, à l’acquisition de connaissances et compétences qui permettent tout à la fois l’émancipation et l’insertion professionnelle. Mais alors que nous ne savons pas ce que seront les métiers dans 30 ans, la formation initiale, y compris dans la voie professionnelle, ne peut pas être tournée uniquement vers les secteurs en tension d’aujourd’hui. Toutes les voies de formation doivent permettre aux élèves d’acquérir les compétences, les connaissances, les dispositions permettant de continuer à apprendre, à se former tout au long de leur vie professionnelle. Il est temps de retirer les ornières si l’on veut résolument une École de l’émancipation pour toutes et tous. Si « en finir avec l’hypocrisie » c’est conserver de telles ornières, notre société continuera de passer à côté de ses jeunesses, et continuera de regretter une école qui reste trop inégalitaire.

Laisser toute sa place au dialogue social

Pour le Sgen-CFDT, le président de la République passe à côté d’enjeux majeurs pour notre système éducatif. Enjeux sur lesquels nous avons bien l’intention d’amener le ministre de l’Éducation nationale à ouvrir des discussions, pourquoi pas même des négociations.

Comment améliorer les conditions de l’école inclusive dans l’intérêt des personnels et des élèves ? Les conclusions de la conférence nationale du handicap n’étaient pas concertées avec les acteurs de l’éducation et faisaient l’impasse sur les questions pédagogiques et les réalités de travail des personnels de l’Éducation nationale.

Comment améliorer la capacité du système éducatif à assurer les enseignements dus aux élèves ? Les remplacements de courte durée ne sont pas l’alpha et l’oméga de la question. Ils ne concernent que le second degré, ils laissent sans réponse les absences longues, voire très longues non remplacées. Dans le 1er degré, pour l’exécutif, tout se passe comme si on pouvait se satisfaire de la répartition des élèves dans les autres classes quand un.e enseignant.e n’est pas remplacé.e. Comme s’il était satisfaisant que tant de professeur.e.s des écoles, connaissant cette situation, vont travailler alors qu’il.elle.s devraient être en congé maladie. Comme s’il était satisfaisant que tant de professeur.e.s des écoles soient privé.e.s de formation continue faute d’être remplacé.e.s. Pour le Sgen-CFDT, ces questions sont majeures.

Comment faire face au défi de l’épuisement professionnel de trop nombreux collègues, à la montée des démissions ou ruptures conventionnelles ? Cela suppose d’améliorer les conditions de travail et la qualité de vie au travail. Le Sgen-CFDT avait obtenu du précédent ministre l’ouverture prochaine de négociations sur le sujet, c’est indispensable, et cela amènera certainement à prendre au sérieux nos alertes sur ce que le Pacte risque de faire au travail des agents et donc de revoir cette politique délétère.
C’est indispensable, en plus de la poursuite de la revalorisation salariale, si l’on veut de nouveau attirer des professionnels dans les métiers de l’éducation. C’est indispensable pour sortir notre école de la grande fragilité dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs années.