Confinement : témoignage d’une professeure des écoles, Céline Joblot.

La période de confinement actuelle bouleverse le quotidien des enseignants et les rapports qu'ils entretiennent avec leurs élèves, les familles et leurs collègues. Le Sgen-CFDT leur donne la parole. Première étape de ce tour d'horizon : Céline Joblot, Professeur des écoles dans la Drôme.

Confinement : témoignage d'une professeure des écolesDu fait de la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19, les enseignants, partout en France, de la maternelle à la terminale, ont l’obligation d’adapter leur enseignement pour mettre en place une continuité pédagogique.
Le Sgen-CFDT leur donne la parole pour qu’ils/elles témoignent de leur quotidien et notamment des liens qu’ils essaient de maintenir avec leurs élèves.

Première enseignante à se prêter au jeu : Céline Joblot enseignante en CP à Pont de l’Isère dans la Drôme, dans une école de 11 classes, site d’accueil pour la garde des enfants de soignants. Elle nous parle de la façon dont elle travaille pendant ce temps de confinement contraint.


Comment s’est passé, se passe au sein de ton école, la mise en place du service de garde des enfants de soignants ?

Céline : Nous avons été prévenus le samedi 14 mars qu’il y aurait des enfants de soignants à garder dès le lundi 16 mars. Les parents avaient contacté la mairie, qui a transmis au directeur. Nous avons décidé de nous réunir à l’école le lundi matin pour organiser l’accueil (et également discuter du télétravail). Quasiment tous les collègues de l’école se sont portés volontaires, nous avons donc établi un planning hebdomadaire avec 2 enseignants par demi-journée. La mairie gère les temps périscolaires et le mercredi. Nous avons commencé la semaine ainsi.

Notre IEN nous a contacté pour nous dire qu’il ne devait y avoir qu’UN SEUL enseignant par plage horaire. Nous avons donc modifié (officiellement), mais ce fonctionnement ne nous convient pas vraiment : il y a entre 4 et 6 élèves à garder dont 2 élèves de petite section, et une de CM2 (et les 3 autres : CP, CE1 et CE2). Comment gérer l’aide au travail des plus grands quand les petits tournent autour et demandent à changer d’activité toutes les 10 minutes ? Impossible d’organiser des jeux ou des lectures en commun…

Au niveau sanitaire, la mairie nous a fourni du gel hydroalcoolique et des lingettes désinfectantes pour le matériel. Concrètement, nous envoyons les élèves se laver les mains régulièrement, mais les autres « gestes barrières » sont durs voire impossibles à faire respecter : garder une distance entre enfant, éternuer et tousser dans les coudes… Les enfants sont des enfants, ils bougent, parlent en postillonnant, touchent à tout, voire portent à la bouche pour les plus petits ! Nous ne pouvons concrètement pas désinfecter les objets à chaque fois qu’ils les touchent, ni les maintenir assis sur leurs chaises durant des heures !

Au niveau organisation, nous commençons à être obligés de bouleverser le planning, car plusieurs collègues ont des proches qui présentent des symptômes du Covid-19 (sans être testés). Donc le nombre de volontaires risque d’être réduit, par la force des choses.

Concernant le télétravail, comment assures-tu la continuité pédagogique avec tes élèves ?

Céline : J’ai réussi à récupérer toutes les adresses mails des parents de mes élèves de CP. Ils sont partis le vendredi avant la fermeture de l’école avec leur manuel de lecture, leur fichier et un cahier.

Je leur envoie chaque dimanche  leur programme de travail pour le lundi et le mardi, et chaque mercredi pour le jeudi et le vendredi. Ils peuvent m’envoyer des photos du travail pour que je les aide à corriger les erreurs. J’échange beaucoup par mail avec les parents pour savoir comment ça se passe.

Chaque matin, je réponds aux mails, j’enregistre des fichiers audios individuels pour aider les élèves qui m’ont fait des retours à se corriger. Puis je prépare le travail pour les jours suivants : je cherche des vidéos, construis mes supports, enregistre les fichiers audios collectifs (pour la dictée par exemple), écris mes explications à destination des parents…

Je continue une petite heure en début d’après-midi, puis c’est la pause ! Et je jette à nouveau un coup d’œil aux mails en fin de journée.

Je me penche en ce moment sur les classes virtuelles pour en proposer à mes élèves dès la semaine prochaine.

Comment est organisée ta journée de confinement ? Quelle amplitude horaire ?

Céline : Le plus dur est de ne pas se laisser happer par le travail. Les parents envoient des mails à toute heure, mais ce n’est pas pour autant qu’on doit répondre dans l’instant. On a aussi envie de tester de nouvelles choses (vidéos, exercices en lignes…). Quand on ne connaît pas ou qu’on n’a pas les bons outils, ça peut vite devenir chronophage ! Alors j’ai préféré rester sur du basique au début. Maintenant que j’ai un peu plus le temps, j’essaie d’innover, à petite dose…

Comment vis-tu cette période ? Quels liens conserves – tu avec tes collègues, les familles, la hiérarchie ?

Céline : Passée la phase de sidération des premiers jours face à cette situation étrange, je vis plutôt bien la situation. A la maison, nous avons organisé nos journées de sorte à avoir un certain rythme. Je garde un lien régulier avec mes collègues par mail pour le travail et par un groupe de discussion ou par téléphone pour nous donner des nouvelles. Notre IEN nous envoie comme d’habitude sa « lettre du lundi » toutes les semaines pour nous informer de l’évolution de la situation. Elle a des propos plutôt bienveillants et encourageants. Les conseillers pédagogiques se sont répartis les écoles pour mieux suivre les situations. Notre conseillère pédagogique nous appelle régulièrement pour faire le point dans cette période de confinement.

Si tu as des enfants dans ta classe sans outils numériques, comment réussis-tu à maintenir le lien ?

Céline : Après consultation des parents, j’ai décidé de continuer au maximum de les faire travailler sur les supports habituels. En effet, les familles ont toutes un ordinateur ou une tablette, mais pas forcément d’imprimante. Avec plusieurs personnes à la maison, ce n’est pas toujours facile de partager le matériel informatique.

Selon toi, la période que nous vivons va-t-elle changer des choses dans ta pratique professionnelle ?

Céline : Dans le travail collectif au sein de mon école ? Nous avons déjà bien l’habitude de travailler en équipe dans mon école, donc je ne pense pas que ça va changer beaucoup de choses. Je ne suis pas sûre de changer quelque chose à ma pratique de classe par la suite : mes élèves sont petits (CP), nous sommes peu équipés en outils numériques à l’école, donc je ne vois pas vraiment ce que je pourrais changer.

Quels côtés positifs vois tu à cette période en tant que professionnel à ce confinement ?

Céline : du côté professionnel, je ne vois pas vraiment de côtés positifs… Il s’agirait plutôt de limiter les dégâts !


Pendant ce confinement, les enseignant·es font preuve d’une grande capacité d’adaptation dans une situation inédite et très anxiogène. Pour le Sgen-CFDT, cela montre clairement la nécessaire confiance que la hiérarchie doit avoir dans leur professionnalisme et dans leur volonté de faire réussir leurs élèves.