En juin 2017, une collègue PE, reconnue Travailleur Handicapé depuis 2009, voit sa demande de renouvellement d’allègement de service refusée au motif que son « état de santé ne justifie pas l’octroi d’une telle mesure », alors même que sa maladie n’a pas évolué.
Soutenue par le Sgen-CFDT, cette collègue formule un recours contentieux auprès du Tribunal Administratif de Limoges et obtient le 8 août la suspension de la décision de l’administration.
– Comment s’est passée ta rencontre avec le Sgen ?
– En 2011, j’étais Brigade dans la même école que la Secrétaire Académique du Sgen-CFDT Limousin. Je connaissais son implication pour la défense des droits des personnels handicapés.
Je me sentais concernée car je bénéficiais déjà d’un aménagement de poste, proposé par le Médecin de prévention du Rectorat, qui consistait en une limitation de ma zone de remplacement. J’ai en effet une maladie rénale chronique et je suis reconnue travailleur handicapé depuis 2009, mais je n’avais alors jamais eu à faire entendre ma voix auprès de l’administration… jusqu’à ce qu’elle ne respecte plus du tout la zone de déplacement limitée qui m’était définie !
J’ai alors pris contact avec différents syndicats. Pour la plupart, ils proposaient une stratégie que je trouvais trop agressive et qui ne me ressemblait pas. Au Sgen Limousin, j’ai trouvé une écoute active et un positionnement en faveur d’un apaisement de la situation. C’est ce qui m’a convaincue d’adhérer. En participant au mouvement cette année-là, j’ai obtenu un poste fixe près de chez moi. Avec ce poste-là, je pouvais demander en parallèle un allègement de service d’une journée par semaine, que j’ai obtenu immédiatement.
– Comment a évolué la situation pour toi ?
– J’ai bénéficié de cette mesure pendant 4 ans. Ce dispositif m’a permis d’assurer mon suivi médical et de me reposer, sans perte de salaire mais aussi sans arrêt maladie. C’est une mesure bénéfique pour tous : pour mes élèves qui n’ont pas eu à subir mes absences (souvent non remplacées, ce qui aurait eu une incidence pour mes collègues également), pour l’administration qui n’a pas eu à pourvoir à mon remplacement et pour moi bien entendu, car j’ai pu concilier travail et soins. Paradoxalement, cela peut conduire à une erreur d’interprétation : considérer que parce que l’agent n’est pas fréquemment en arrêt, il ne serait plus malade. C’est pourtant l’objectif-même du dispositif que de permettre le maintien de l’agent dans ses fonctions dans de bonnes conditions.
– Pourquoi as-tu eu besoin de déposer une requête devant le Tribunal Administratif cet été ?
– En juin dernier, j’ai reçu la réponse à ma demande de renouvellement d’allègement (déposée en février). Elle a été refusée au motif que « mon état de santé ne justifiait pas l’octroi d’une telle mesure », alors même que mon état de santé ne s’est pas amélioré depuis la dernière obtention d’allègement. Je me suis alors sentie blessée car j’avais le sentiment que ma maladie n’était pas reconnue, voire complètement niée par l’administration.
J’avais alors 3 possibilités de recours : gracieux (auprès de l’IA-DASEN), hiérarchique (auprès du Ministre) ou contentieux (auprès du Tribunal Administratif). J’ai opté pour cette dernière option, à la fois en raison des délais de recours à respecter, de l’urgence à traiter (la décision devant rentrer en application le 1er septembre 2017), mais aussi des meilleures chances de réussite de ce recours selon le service juridique du Sgen-CFDT. Et ce, bien que ce choix impliquait un investissement plus important, des démarches plus complexes et plus stressantes à mettre en œuvre.
Il y avait d’ailleurs déjà eu un précédent dans l’Académie en 2012. Une collègue s’était vue refuser son allègement de service au motif d’un « manque de moyen humain » pour la remplacer. Avec l’aide du Sgen-CFDT, elle avait ouvert la voie en formulant un recours devant le TA en référé-suspension et avait gagné. J’ai eu peur en revanche que l’avis du médecin conseil, mis en avant cette fois-ci par l’administration, ne soit quant à lui pas contestable. Mais c’était une crainte infondée : le Tribunal Administratif est tout à fait compétent pour juger ce genre de situation, même lorsque des avis médicaux sont au cœur de la requête. Les juges de TA sont habitués à étudier des situations très techniques, je pensais donc que le recours contentieux devant le TA était bien la voie à prendre. Et puis j’éprouvais un tel sentiment d’injustice, que j’avais besoin d’être entendue en dehors de tout rapport hiérarchique.
– Comment as-tu été accompagnée par le Sgen-CFDT ?
– J’ai reçu un soutien « de confiance » de la part de l’équipe locale. C’était important pour moi de sentir que j’avais raison de déposer ce recours, même si ça ne devait pas aboutir en ma faveur.
J’ai reçu une aide technique experte de la part du service juridique de la fédération. On m’a donné un cadre de rédaction, un plan. On a relu mes textes et complété la requête dans son versant plus juridique, extraits de textes légaux à l’appui. Nous avons eu des échanges téléphoniques réguliers jusqu’à l’audience. On m’a permis d’élaborer une stratégie, de prendre du recul aussi sur l’action elle-même, en me faisant partager des expériences d’actions antérieures. Et ce, sans omettre de me préparer à une éventuelle issue défavorable, tout en envisageant des solutions de secours.
Évidemment, je suis restée seule « porteuse » de l’action et c’est un très lourd travail que de rédiger une telle requête. Il faut collecter les pièces nécessaires au dossier (ce qui est encore plus difficile pendant les grandes vacances), mais j’ai eu de la chance que mes médecins soient réactifs et me fournissent les pièces médicales nécessaires dans des délais très brefs. Quelle que soit l’issue de la procédure, le dépôt d’un recours contre l’administration est inscrit de manière permanente dans le dossier professionnel de l’agent, ce qui peut dissuader d’agir et ne pas rester sans conséquences…
L’audience en elle-même est aussi très stressante. Mais même si j’étais seule « physiquement » ce jour-là, je me sentais soutenue grâce à tout le travail effectué en amont. D’autant plus que d’un point de vue financier, en tant qu’adhérente CFDT, je n’ai pas eu à payer pour ce soutien juridique. C’est indirectement grâce aux cotisations des adhérents que je n’ai pas eu à débourser un centime pour cet accompagnement. Si j’avais fait appel à un avocat, la procédure aurait pu me coûter jusqu’à 2000 €.
– Comment s’est passée l’audience ?
-Très bien, même si c’est vraiment très impressionnant ! Comme dans les films !… C’était la première fois que je mettais les pieds dans un tribunal. Le protocole de prise de parole est très réglementé, mais j’ai senti le juge très à l’écoute. Il m’a semblé qu’il soupçonnait que le refus de mon allègement cachait, fort justement, des motivations plus économiques que médicales. En sortant de l’audience, sans connaître encore la décision du TA, j’étais épuisée mais soulagée d’avoir pu m’exprimer sur tous les points qu’il me tenait à cœur d’évoquer plus en détail. J’ai eu un droit de réponse à tous les arguments apportés par l’administration. Et je n’ai pas eu à attendre longtemps pour connaître la décision du juge, que j’ai pu consulter le soir-même sur internet.
– Et maintenant ?
Depuis la rentrée, je bénéficie donc à nouveau d’un jour d’allègement de service par semaine et c’est un réel soulagement. Je suis fière de m’être battue pour défendre un droit lié à la compensation du handicap, et je n’y serais jamais arrivée sans l’aide et le soutien du Sgen-CFDT. Je me sens reconnaissante envers tous les adhérents qui, grâce à leurs cotisations, ont permis de faire avancer concrètement la défense des droits des personnels handicapés.
Combien de collègues handicapés ou malades n’ont pas les ressources physiques et morales pour mener ce genre d’actions ? J’espère sincèrement que mon expérience profitera à d’autres et leur donnera le courage d’agir à leur tour si nécessaire.