Quand la violence devient addiction

Une envie de paix, pas de gaz. Violences et addiction : comment en sortir ?

Violence et addiction

Il y a deux semaines (soit une éternité sur l’échelle de BFMTV) le représentant d’un syndicat déclarait devant les caméras de Télénantes : « Nous pensons effectivement qu’il est plus que jamais nécessaire, non seulement de le faire vaciller sur son piédestal mais y compris de lui faire rendre gorge« . Et à ma droite sur le ring, notre président jupitérien affirmait le 29 juin 2017 que dans les gares on peut croiser des gens qui ont réussi et “des gens qui ne sont rien”.

Il y a un an et demi, le Sgen-CFDT des Pays de Loire invitait Daniel Favre, neurobiologiste et chercheur en sciences de l’éducation, auteur d’un livre intitulé “Transformer la violence des élèves”. Après 15 ans de recherches sur la plasticité du cerveau, c’est-à-dire le fait que le cerveau puisse évoluer et se transformer tout au long de la vie (une découverte récente qui vient contredire l’idée encore bien ancrée que “tout se joue avant 6 ans” ou que “de toute façon c’est son caractère !”), il en est arrivé à la conviction que la violence n’est pas une fatalité. En étudiant les liens entre l’hypothalamus (qu’il nous invite à visualiser comme une espèce de “chien de garde” interne qui nous permet d’utiliser notre agressivité dans des situations menaçantes) et les lobes frontaux (une espèce de tour de contrôle qui permet de tenir ce chien en laisse en reconnaissant nos émotions et en analysant ce que l’on ressent) il a démontré que la violence pouvait fonctionner comme une addiction.

Quand la violence devient addiction

Le plaisir qui y est associé ? Se sentir plus fort en abaissant l’autre. L’emporter sur l’autre. Ce plaisir addictif a deux caractéristiques : 1) on a besoin d’une dose de plus en plus importante pour ressentir le même plaisir et 2) on sent bien qu’on risque de “payer plus tard” ce plaisir d’une manière ou d’une autre mais “on craque”. On s’enferme alors dans des conduites répétitives qui donnent l’impression de faire du bien sur le moment mais que l’on peut regretter par la suite. Lorsqu’au moins deux personnes ou deux groupes se figent dans ces postures, cela peut donner au mieux le statu quo (si dans le fond aucun des protagonistes n’a vraiment intérêt que ça change et que les chiens sont en faïence…) au pire la guerre.

Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d’aultruy 

Une fois que ce mécanisme est compris, la question devient : comment en sortir ? La méthode que propose Daniel Favre peut se résumer ainsi : 1) Prendre conscience de sa dépendance et des mécanismes qui la nourrissent ; 2) Proposer des situations dans lesquelles on trouve un plaisir plus grand et plus authentique à coopérer. Progresser avec l’autre plutôt que de vouloir le réduire à rien ou à lui faire rendre gorge. Le conflit peut même devenir fécond si la posture devient : “je suis en désaccord avec toi mais il y a forcément dans ton argumentation quelque chose qu’il faut que j’écoute et que je prenne en compte si je veux réellement qu’on progresse.” On peut alors s’enrichir de ses désaccords en considérant l’autre comme un alter ego.

Il y a environ 400 ans, Montaigne écrivait : « Il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d’aultruy ».  Limons-nous les uns les autres.

Gwenael LE GUEVEL