Alors que le déconfinement a été annoncé par le premier ministre, et est entré en vigueur le 11 mai. Nombreux sont les AESH qui n’ont pas pu rejoindre leur poste en présentiel et ce pour plusieurs raisons.
Certain.e.s ont demandé une ASA car ils doivent garder leurs propres enfants du fait de la fermeture des écoles ou tout simplement parce qu’ils ne souhaitent pas les rescolariser par précaution. Il y en a d’autres qui n’ont pas d’enfants et qui n’ont pas pu reprendre leurs fonctions, car les écoles/établissements sont restés fermés soit par décision du maire de la commune ou qu’ils n’ouvrent pas immédiatement (2 juin pour les lycées). Et bien évidement, il y a ceux qui sont des personnes à risque de développer une forme grave de la maladie et qui ne peuvent pas être physiquement sur leur lieu de travail.
Toutes ces situations ont conduit à une nouvelle organisation du travail des AESH. Pour tous ceux qui ont pu rejoindre leur poste de travail, encore une fois ils se sont retrouvés face des situations différentes. En effet, il y a ceux pour qui les élèves dont ils s’occupaient initialement sont absents. Ils se voient par conséquent accompagner d’autres élèves à besoins particuliers quand il y en a. Et il y a ceux, quand il n’y a pas ce type d’élève sur leur lieu d’affectation, qui sont amenés à travailler dans d’autres écoles/établissements, notamment pour les PIAL (pôle inclusif d’accompagnement localisé). Fréquemment, on a pu déjà le constater, certain.e.s se voient confier des missions qui ne relèvent pas des fonctions de l’AESH (renfort des AED, surveillance de la cour, des WC, nettoyage ,…), parfois sur la base du volontariat mais très souvent ces demandes prennent la forme d’injonctions descendantes et d’initiatives des directions, au risque d’aller à l’encontre des directives du rectorat et du ministère.
Au Sgen-CFDT, nous prônons depuis toujours, une valeur essentielle qui est l’EMANCIPATION.
Effectivement, au travers de formations, nos permanences, et nos autres actions syndicales, nous donnons à nos adhérents et à nos sympathisants toutes les informations nécessaires afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits face à leur hiérarchie. Nous pensons que c’est seulement par ce biais, que les choses pourront changer et que les AESH pourront faire respecter leurs missions (cf. circulaire du 3 mai 2017). Il faut mettre fin à cette infantilisation qui s’est installée entre la hiérarchie et ces personnels précaires.
PRECAIRES ! c’est souvent ainsi que les AESH sont définis.
Et pour cause, malgré la mise en place des CDI et des contrats pluriannuels (cf. circulaire du 5 juin 2019) qui ont permis de diminuer cette précarité dans le temps, les AESH restent toujours coincés dans cette case, car le ministère n’a pas fait évoluer un point essentiel, c’est le temps de travail. Le ministère, au travers des textes de loi, laisse le choix aux académies de proposer aux AESH des contrats à temps non-complet. Par conséquent, pour des raisons budgétaires, une grande majorité des personnels AESH sont aujourd’hui titulaires d’un contrat avec une quotité de 50%, rares sont les contrats à temps complet. Beaucoup d’AESH font la demande d’augmenter leur quotité, afin de pouvoir vivre convenablement de leur métier, mais celles-ci sont systématiquement refusées. Aujourd’hui, la réalité est que ces AESH du fait de leur faible quotité perçoivent un faible salaire, et ils sont dans l’obligation vitale de prendre un second travail afin de pouvoir vivre dignement.
Pour le Sgen-CFDT, une vraie reconnaissance du métier d’AESH doit passer obligatoirement par un salaire convenable: pour cela, une grille indiciaire revue à la hausse doit être proposée avec de véritables perspectives de carrières.
En attendant, et à cause de cette crise sanitaire, il s’avère que les AESH doivent réinventer leurs missions en les effectuant à distance via les outils numériques. Alors est-ce vraiment possible ? Afin que ceci puisse se faire, il faut avant tout être équipé d’outils informatiques. Comme nous l’avons souligné précédemment, du fait de leur faible salaire, beaucoup n’ont pas les moyens de se procurer une tablette et encore moins un ordinateur. En revanche, certain.e.s ont un téléphone et dans le meilleur des cas, un smartphone. Alors peut-on faire du travail à distance avec un téléphone ou un smartphone ? Pour répondre à cette question, il faut identifier les missions premières de l’AESH. Les activités des personnels chargés de l’aide humaine sont divisées en trois domaines qui regroupent les différentes formes d’aide apportées aux élèves en situation de handicap : accompagnement des élèves dans les actes de la vie quotidienne, dans l’accès aux activités d’apprentissage et dans les activités de la vie sociale et relationnelle. Pour des raisons d’absence physique de l’AESH auprès de l’élève, il est évident que la première mission ne peut être effectuée à distance. En revanche, nous pouvons imaginer que cette mission soit effectuée à domicile par les parents ou les représentants légaux de l’élève. Nous allons donc nous intéresser aux deux autres missions.
Accompagnement des élèves dans l’accès aux activités d’apprentissage : l’AESH peut, selon le handicap de l’élève, effectuer cette mission à distance même si cela ne vaut pas la présence physique de l’AESH auprès de l’élève. En effet, avec un téléphone (en cachant son numéro) et après avoir convenu avec la famille d’un RDV téléphonique, l’AESH peut soutenir l’élève dans la compréhension et dans l’application des consignes pour favoriser la réalisation de l’activité conduite, stimuler l’élève en fonction de ses compétences ou rappeler les règles à observer durant les activités. Tout ceci est possible, si le handicap de l’élève le permet. Nous estimons que cette mission n’est pas toujours réalisable, notamment avec les élèves déficients auditifs ou sourds. A ce moment-là, il serait préférable, toujours à l’aide d’un smartphone, d’appeler l’élève en visioconférence afin qu’il puisse faire de la lecture labiale ou dans le meilleur des cas de pouvoir signer, quand l’AESH a reçu une formation LSF (langue des signes française).
Pour que cette continuité pédagogique puisse être assurée, il faut avant tout que les AESH puissent avoir accès soit à Pronote ou à l’ENT afin de prendre de connaissance du travail donné à l’élève, et nous savons malheureusement que c’est rarement le cas. Il faut également qu’il y ait un travail effectué au préalable, dans une interface entre l’enseignant et l’AESH, afin que ces derniers aient la possibilité d’adapter le travail et le rendre accessible au handicap de l’élève. Notamment, pour la conversion des fichiers PDF en WORD, pour que l’élève malvoyant ou sourd puisse traduire et convertir ces documents texte en fichiers prêts à être imprimés en braille.
Nous avons eu le retour de certain.e.s AESH qui nous disent que pour avoir accès à Pronote, ils doivent se connecter à l’aide des identifiants et des mots de passe de l’élève. Cet exemple révèle un réel problème d’intégration et de reconnaissance du personnel AESH.
Pour le Sgen-CFDT, ces personnels doivent être intégralement intégrés à l’équipe éducative et doivent avoir accès, au même titre que les enseignants, à tous les logiciels de l’éducation nationale.
Accompagnement des élèves dans les activités de la vie sociale et relationnelle : il faut se rendre à l’évidence cette mission est particulièrement plus difficile à effectuer à distance. En effet, il sera laborieux voire impossible pour l’AESH de favoriser la communication et les interactions entre l’élève et son environnement, pour des raisons évidentes d’absence des autres élèves de la classe ou de l’école. Cependant, l’AESH pourra par exemple prévenir les situations de crise ou d’isolement. Le fait pour l’élève en situation de handicap de garder un lien avec son accompagnant lui permettra d’être rassuré. Il faut savoir que l’AESH est un repère pour l’élève, c’est son référent dans l’enceinte de l’établissement/école, le simple fait de garder un contact avec lui peut dans la majorité des cas le motiver et le stimuler pour qu’il puisse faire son travail à la maison.
Mais l’AESH ne pourra pas effectuer ce travail à distance seul. Il faut, nous le rappelons encore une fois, que l’AESH soit intégré intégralement à l’équipe éducative, qu’il puisse avoir accès à tous les logiciels nationaux de l’éducation nationale (ENT, PRONOTE), qu’il puisse travailler en concertation avec le ou les enseignants de l’élève en situation de handicap pour notamment adapter le travail. Pour que cette continuité pédagogique puisse être réalisée, il est important de rappeler le rôle essentiel des parents. Il faut impérativement qu’ils soient eux aussi intégrés à l’interface AESH/Enseignant. Dans de nombreux cas, l’AESH aura besoin de l’aide des parents afin qu’ils puissent soutenir l’attention de leur enfant autiste ou ayant des troubles de comportement qui est très vite fatigable.
Alors finalement, le métier de l’AESH est-il adaptable au travail à distance ? Cela parait très difficile Nous pourrons bien évidemment bricoler, effectuer certaines missions comme celles citées plus haut. Mais rien ne vaut la présence physique de l’AESH aux côtés de l’élève. Les AESH accompagnent des élèves en situation de handicap, et ils le font avec leur voix, avec leurs mains, avec leur regard, avec leur attitude, avec leur geste, une visioconférence ou une conversation téléphonique ne pourra pas remplacer tout ceci.